lundi 18 septembre 2017

CreaCast, un opérateur à part

Questions à Gilles Misslin, PDG de CREACAST, conseiller et expert en radiodiffusion, formateur à l’Institut National de L’Audiovisuel INA.



LLPR (La Lettre Pro Radio) : CREACAST fait peu de publicité, on vous voit peu, ni sur les salons ni dans la presse. Gilles Misslin, vous avez accepté de nous parler de la société que vous dirigez, de ses services et de ses projets. Mais au fait, qui est CREACAST?

GM : Oui, c’est vrai, notre discrétion est délibérée : nous vendons du service, de l’immatériel à base d’IP et n’avons pas de produits à exposer, à part nos associés et nos partenaires ! CREACAST ce sont 7 associés, dont Philippe Klein, Éric Laeuffer, moi-même. Tous les trois avons fait nos armes chez Alcatel, à des époques différentes, et avons participé au développement de produits phares de ce constructeur. Nous avons vécu ensemble l’aventure passionnante d’Aztec Radiomedia et notamment la découverte des RFC de l’Internet Protocol (IP) dès 1995. Étienne Kordos (Kplug) nous a rejoints récemment, notamment sur la partie DAB et bases de données, après 10 ans d’amitié professionnelle. Mais nos clients nous connaissent, car nous cultivons des relations étroites avec des personnalités techniques de la radio : Pascal Hilaire (PhfCom), Bertrand Collot (PhfCom), Étienne Kordos (Kplug), Emmanuel Dairien (Solucast), Gary Hartard (Eurocom), Roberto Belloti (4Media), Dominique Wenger (Zenon Media), Younès Yamouni (Phf Maroc), Philippe Henry (Aes Broadcast). Ces acteurs sont plus visibles que nous, car ils s’occupent de matériels (émetteurs, consoles, antennes), effectuent des installations et des déploiements qui exploitent les services immatériels de CREACAST : transport IP, diffusion IP, surveillance via IP.

LLPR : Pour la majorité des acteurs, CREACAST propose les codecs “CREABOX” qui assurent le transport du signal audio entre studios et émetteurs, est-ce bien cela?

GM : La CREABOX est un objet physique (matériel) qui nous sert à proposer une panoplie de services logiques (immatériels), qui vont au-delà du transport du signal audio. Pour certains, la CreaBox sera un codec audio sur accès IP ADSL ou SDSL en mode linéaire (sans pertes), pour d’autres un codec vidéo, et/ou un dispositif de secours en cas de panne, et/ou un système de reprise tuner FM, et/ou un codeur RDS, ou un dispositif de transport du signal DAB pour alimenter plusieurs émetteurs en SFN (notre protocole YETI), ou bien encore une passerelle permettant de rendre accessibles tous les équipements IP d’un site émetteur donné. Sur le plan physique, la base matérielle de la CREABOX est banale : un coffret, une alimentation robuste, un processeur, un tuner FM/DAB, un connecteur d’alimentation, des prises XLR, un processeur, 2 connecteurs réseau RJ45. Mais derrière ces apparences physiques, CREACAST se différencie par le fait que nous habillons ce matériel de multiples fonctionnalité des “rôles” pour épouser les spécificités de chaque installation de diffusion. Même la partie RDS, la réception FM/DAB de nos systèmes, est réalisée en logiciel (software radio).

LLPR : En fait, CREACAST est opérateur de la chaîne d’émission de ses clients stations de radio?

GM : Oui, en quelque sorte. Nous agissons comme “accompagnateurs réseau” de nos partenaires et de nos clients. Grâce à nos passerelles installées sur les sites, nous apportons aux équipements distants l’accessibilité (contrôle à distance, supervision): routeurs, faisceaux hertziens, codecs, émetteurs. L’architecture réseau est codifiée dans notre système documentaire “CREASPACE” avec une organisation militaire: dossiers, bases de données sites, équipements, accès IP, plans d’adressage, tickets opérateurs sont accessibles en quelques secondes.

LLPR : Certains organismes ou radios ne jurent que par CREACAST, d’autres y voient un service coûteux et inutile. Pourquoi devient-on client de CREACAST?

GM : Les stations de radio, de télé, les organismes qui sont nos clients ont décidé “idéologiquement” d’externaliser l’exploitation quotidienne de toute ou partie de leur infrastructure IP (sites et transport), pour concentrer leur énergie à leur véritable métier d’éditeur de programmes. CREACAST apporte alors un accompagnement technique structurant à leurs responsables et à leurs prestataires installateurs. Nos clients et partenaires ont accès à notre système “d’hypervision” SUPCAST qui intègre la base des autorisations FM/DAB CSA, jusqu’à l’organisation technique et IP de chaque site de diffusion et point de présence. Les stations de radios, opérateurs ou groupes médias qui disposent d’un service technique interne, comme RTL, Lagardère, Skyrock, TDF, ont plus de difficultés à trouver un sens à travailler avec CREACAST.

LLPR : Peu à peu, CREACAST s’est imposé comme fournisseur de solutions de supervision des sites d’émission et de supervision techniques des émissions radio FM et DAB. Mais la supervision, n’est-ce pas à l’opérateur de diffusion de la proposer à ses clients?

GM : En France et en matière de diffusion radio/tv, TDF occupe une place singulière. L’opérateur a été lourdement condamné pour abuser de sa position dominante. Les stations de radio qui sont contraintes de confier leur diffusion à TDF n’accordent qu’une confiance limitée à cet opérateur hégémonique. Pour les radios dépendantes de l’opérateur TDF, pour les radios qui s’autodiffusent, CREACAST assure un service de surveillance qui est intégré à son hyperviseur SUPCAST. Beaucoup d’anomalies audio, RF, RDS, secteur passent au travers des mailles du filet des diffuseurs.
"Nous cultivons des relations étroites avec des personnalités techniques de la radio"
Un opérateur à part

LLPR : Comment agissez-vous lorsqu’une panne survient?

GM : Au-delà du système SUPCAST qui collecte des milliers d’indicateurs toutes les minutes et qui sont accessibles par nos clients, c’est l’expertise de l’équipe CREACAST qui est quotidiennement sollicitée (par nos clients et nos partenaires techniques) pour comprendre et interpréter des graphes historiques, effectuer un diagnostic précis, pour optimiser les interventions sur site. Côté support, nous sommes disponibles pour nos clients et nos partenaires en dehors des heures de bureau et le week-end : pas de hotline à la noix, mais uniquement le n° de CREACAST qui bascule automatiquement chez l’un ou l’autre en fonction de notre planning d’astreinte.

LLPR : Récemment, CREACAST s’est positionné comme diffuseur et acteur dans le domaine du DAB. Gilles Misslin, n’étiez-vous pas farouchement opposé au DAB et à la radio numérique RNT?

GM : Ce sont mes amis Philippe Levrier, ex-conseiller du CSA, et Michel Rénéric (ex-Tdf), Étienne Kordos (K-Plug, ex-CSA) qui m’ont amené sur la voie de l’action plutôt que celle de la contestation. Depuis des années, notre petit groupe d’experts constitué en association (nommée R+) étudie, explore, propose aux autorités des scénarios alternatifs dans l’espoir de donner du sens au DAB, à la RNT. À quoi bon dupliquer en DAB le modèle FM ? Il n’y a pas de sens à cela. En matière de RNT, la position des pouvoirs publics (gouvernement, CSA) est illisible depuis 15 ans : le gouvernement ne dégage pas les moyens économiques pour permettre aux radios du service public de se lancer massivement en RNT, ce qui “amorcerait la pompe” ; du coup, les grands groupes (RTL, Lagardère, NRJ) font savoir qu’ils n’iront pas seuls au casse-pipe. Au final, le CSA lance seul, de son côté, des appels à candidatures RNT locaux à destination des acteurs les plus fragiles sans effectuer d’appels nationaux : les radios locales et les radios associatives se voient contraintes de candidater, alors que les radios nationales bénéficient du privilège de pouvoir choisir le moment opportun pour se lancer. Des réseaux nationaux en mal de couverture (ex-Skyrock, Radio Classique, Nova, OUI FM) candidatent et sont sélectionnés par le CSA sur des allotissements locaux, introduisant des doublons éditoriaux insensés, au détriment d’acteurs locaux qui voient apparaître une concurrence pour un marché publicitaire RNT inexistant ou qui ne sont même pas sélectionnés. En juillet 2016, peu après le rachat des opérateurs Itas+VDL par leur concurrent TDF, CREACAST a décidé de proposer un service de diffusion RNT en Alsace. Nous sommes basés en Alsace, nous avons un accès privilégié aux points hauts et aux acteurs de notre région. Nous nous sommes formés sur les matériels, sur la couche numérique de transport et de diffusion, nous avons développé un protocole de transport du signal DAB sur IP que nous avons nommé YETI, compatible SFN en nous inspirant du protocole qui fait le succès de notre service de transport audio et vidéo sur accès IP type ADSL et SDSL.

Mais actuellement, en RNT et dans le mode “appel éditeur” proposé par le CSA (par opposition au mode “distributeur” que la loi permet aussi), les 13 radios sélectionnées de chaque multiplex RNT doivent s’entendre à l’unanimité sur les conditions juridiques, techniques et économiques de leur diffusion. C’est illusoire. Pour l’heure, rentrée 2017, je trouve que les conditions ne sont pas réunies pour permettre à la profession de tirer parti d’une diffusion en RNT tant en Alsace qu’à l’échelle nationale. Le CSA devrait conduire simultanément des appels nationaux et régionaux, après avoir obtenu l’assurance que la tutelle de Radio France lui donnerait les moyens de diffuser en RNT partout en France comme cela se passe dans les pays voisins.

Mais au-delà de ces considérations, le “one to many” que propose la radiodiffusion depuis un siècle entre en désuétude. L’ambiance “one to one” dopée par l’internet mobile gagne du terrain.
Le mot “radio” risque de s’éteindre en même temps que la génération vieillissante de ceux qui font et écoutent la radio FM d’aujourd’hui… Il n’y pas de quoi paniquer, mais de la matière à réfléchir à l’évolution de nos avenirs éditoriaux et techniques.


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